Les conseils d'un avocat pour une garde à vue

Convocation au commissariat pour une audition : Comment se préparer ?

 

Vous venez de recevoir un appel de la police pour venir au commissariat afin d’être auditionné dans une affaire pénale en tant que mis en cause et vous ne savez pas comment réagir ?

 

La première chose à faire est de contacter un avocat pour vous préparer et vous organiser (je suis joignable (24 heures sur 24) au 06 74 88 10 29, en cas d’urgence, sauf pendant mes vacances). En effet, il est important de ne pas prendre à la légère ce type de convocation, puisque tout ce qui sera dit lors de cette audition sera retranscrit et figurera dans le dossier. C’est sur la base de vos déclarations notamment que le parquet prendra la décision de poursuivre ou pas l’affaire devant un tribunal.

 

En tant que mis en cause, vous pouvez être interrogé dans deux cadres :

 

-          L’audition libre (article 61-1 du Code de procédure pénale) : Il s’agit d’une audition d’un suspect au commissariat, qui est libre de partir à tout moment. L’assistance d’un avocat est bien entendu conseillée, notamment si l’affaire peut déboucher sur des poursuites. Les enjeux sont aussi importants que pour une audition en garde à vue, toutefois, une audition libre dure en général moins longtemps et les faits reprochés sont souvent moins graves.

 

-          La garde à vue (article 62-2 du Code de procédure pénale) : Il s’agit d’une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, qui permet d’auditionner un suspect contre lequel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou délit, puni d’une peine d’emprisonnement. Le gardé à vue ne peut pas quitter le commissariat tant que la garde à vue n’est pas levée (le délai de droit commun est de 48 heures maximum mais il existe des délais dérogatoires plus longs en fonction du type d’affaire). Le choix de la garde à vue n’est pas anodin, l’infraction reprochée est en général plus grave que pour une simple audition libre, et les auditions sont susceptibles d’êtres plus longues, les enquêteurs ont donc besoin de garder le suspect à leur disposition (pour faire une perquisition en parallèle, organiser une confrontation avec une victime…).

 

En tout état de cause, quels sont les conseils qui sont utiles à savoir pour passer cette épreuve ?

 

Tout d’abord, si vous me faites l’honneur de me choisir pour vous défendre, je vous demanderais de me préparer un dossier, avec toutes les pièces qui peuvent concerner l’affaire (capture d’écran de sms, courriers, photos, certificats médicaux éventuels…en copie), ainsi que vos garanties de représentation (contrat de travail, attestation d’hébergement de l’hébergeur avec la copie de sa carte d’identité le cas échéant, justificatif de domicile, livret de famille, diplôme, bulletin de salaire...). En effet, il est important de préparer la suite de l’audition le plus tôt possible, car une fois retenu sous la contrainte, en cas de déferrement, réunir ces documents sera plus difficile. Par ailleurs, cela me permettra d’avoir des pièces à verser au dossier directement dès l’audition, pour que le parquet en tienne compte dans sa décision de poursuivre ou pas l’affaire.

 

Alors quelles sont les recommandations ? 

 

-          Venez avec une tenue confortable et une veste (pour être prêt à dormir dans une cellule), car vous ne savez souvent pas si vous allez être juste auditionné librement ou placé en gardé à vue, Il est rare que les enquêteurs préviennent à l’avance... Prenez vos dispositions pour organiser votre journée (prévenez votre employeur, votre famille...), et prenez vos éventuels médicaments avec vous si vous avez un traitement le cas échéant.

 

-          En cas de garde à vue, si vous demandez un avocat, les enquêteurs doivent l’attendre 2 heures maximum avant de commencer. Vous aurez droit à un entretien confidentiel de 30 minutes avec lui avant de passer aux auditions. Un nouvel entretien sera possible en cas de prolongation. Votre famille peut aussi désigner un avocat, et vous êtes libre ou pas d’accepter leur proposition. Vous avez aussi la possibilité d’être défendu par le commis d’office si votre avocat habituel n’est pas joignable.

 

-          Le droit de garder le silence est un droit de la défense : On ne peut pas vous le reprocher, puisque votre avocat n’a pas accès au dossier à ce stade de la procédure. Toutefois ce droit ne doit pas être utilisé systématiquement à mon sens. Cela dépend du type d’affaire : Il est tout à fait adapté et compréhensible de garder le silence dans une grosse affaire en commission rogatoire par exemple (avec des écoutes…) en instruction, ou avec une longue enquête préliminaire, puisque vous allez répondre aux questions « à l’aveugle » sans préparation, et sans savoir les preuves (ou pas) qu’on a contre vous, avec souvent un dossier déjà chargé. A l’inverse, dans une petite affaire (a fortiori si les faits viennent de se passer), le droit de garder le silence n’est pas pertinent, surtout si vous avez la possibilité dès le départ de donner votre alibi ou si vous voulez donner votre version. En tout état de cause, si vous répondez aux questions, laissez le policier (ou le gendarme) parler pour voir où il veut en venir, avant de donner votre version des faits. Seules les questions sur l’identité et sur le code de déverrouillage de votre téléphone sont obligatoires ; pour le reste vous pouvez garder le silence, mais cela n’empêchera pas les enquêteurs de poser les questions (Il peut exister une certaine pression psychologique parfois pour essayer d’avoir des « aveux », il faut tenir, sauf si vous souhaitez plaider coupable dès le départ… Vous aurez toute la possibilité de le faire après devant un magistrat, rien ne presse).

 

-          Faites attention à vos réponses : ne répondez que si vous êtes sûr, si vous ne savez pas, vous ne savez pas, même si on vous pose la question 10 fois. N’hésitez pas à employer le conditionnel le cas échéant. Si vous reconnaissez les faits à la fin de l’audition, cela veut dire que vous plaider coupable (vous n’êtes pas juriste, vous ne savez parfois pas si votre comportement est une infraction pénale, ce n’est pas à vous de le dire).

 

-          Il faut toujours relire l’audition avant de signer : Si les propos retranscrits ne correspondent pas à ce que vous avez dit, il faut demander à modifier les passages en cause. Votre avocat s’en chargera le cas échéant. Il pourra aussi faire des observations utiles à votre défense à l’issue de l’audition et poser des questions

 

-          Vous n’avez pas à parler du dossier en dehors des auditions (surtout en l’absence de votre avocat) : attention à la pause cigarette très utile pour faire parler parfois…

 

-          Vous avez le droit de voir un médecin pendant votre garde à vue (conseillé notamment si vous avez des problèmes de santé, ou pour faire constater d’éventuelles blessures)

 

-          La garde à vue est une épreuve d’endurance : Il faut se préparer à tenir psychologiquement et physiquement. Il faut s’alimenter et s’hydrater et se reposer entre les auditions (c’est un droit), et avoir à l’esprit que la garde à vue prendra fin quoi qu’il arrive à l’issue de la durée légale (délai de droit commun : 48 heures maximum, sauf dérogation). Seuls les enquêteurs sont pressés par le temps (car la garde à vue est souvent une course contre la montre pour eux pendant laquelle il faudra réunir un maximum d’éléments en vue d’un éventuel déferrement).

 

-          Votre avocat est votre seul contact pendant la garde à vue : Il ne peut pas faire passer des informations à des personnes à l’extérieur au risque de finir lui-même en garde à vue (c’est une infraction pénale). Toutefois, sa présence vous rassurera et vous permettra d’avoir un allié dans cette épreuve difficile. En cas de déferrement, votre avocat préviendra votre famille.

 

-          Après la garde à vue, le suspect peut être remis en liberté (classement ou poursuite de l’enquête) ou amener devant un magistrat (cela s’appelle le déferrement). En cas de déferrement, l’avocat aura enfin accès au dossier et pourra défendre son client. Un entretien avec lui sera alors organisé avant de passer devant le magistrat. Le suspect pourrait alors être jugé directement en comparution immédiate ou le parquet peut aussi faire le choix d’une convocation devant un tribunal à effet différé par exemple, avec le placement sous contrôle judiciaire ; il peut aussi être mis en examen, en cas d’instruction (pour des faits plus graves ou complexes). L’importance des garanties de représentation (travail, hébergement loin du lieu des faits, enfants…) prendra alors tout son sens pour éviter une éventuelle détention provisoire.

 

                           Maître Yoann STRINO